Quantcast
Channel: olivier cabanel – CentPapiers
Viewing all articles
Browse latest Browse all 139

Le jour de boire est arrivé

$
0
0

A quoi tiennent les révolutions ?…voilà la question que l’on pourrait se poser, après avoir découvert le livre d’un alcoologue, mais aussi psychiatre, Michel Craplet, « l’ivresse de la Révolution »… ouvrage qui dévoile des aspects peu connus de la révolution française.

 

On savait déjà que c’est bien la bourgeoisie qui avait armé le peuple, afin qu’il déstabilise Louis XVI, cette bourgeoisie n’ayant pas apprécié que le roi écarte Necker, lequel avait lancé une politique de rigueur.

Necker fut, en effet, un personnage essentiel si l’on veut tenter de comprendre la révolution française…

Ce banquier rondouillard et malin, d’abord apprenti chez Isaac Vernet, l’un des financiers les plus puissants d’Europe, a gagné rapidement des galons, après avoir réussi des coups financiers qui ont largement accru la puissance de sa banque, et il deviendra co-dirigeant d’une des plus prestigieuses banque d’Europe… puis il va faire son chemin dans la cour du roi, à force de prêter aux puissants, et même d’avancer de l’argent à l’état, un état très dépensier…

Il sera finalement nommé directeur général du Trésor royal, et se payera le luxe de refuser les 220 000 livres annuels (soit plus de 5 millions d’euros) dus à sa charge.

On peine à imaginer le ministre des finances actuel refusant sa rémunération annuelle qui frôle les 310 000 €. lien

Hélas pour le roi, Necker a commencé à réduire le budget de la cour…il faut savoir que sur un budget national de 250 millions, les largesses royales s’en octroyaient pour lui et pour sa cour 28 millions.

 

Necker va du coup s’attirer l’ire du roi, lequel va le contraindre à démissionner…

Pourtant 7 ans plus tard, le roi va de nouveau faire appel à lui, en lui donnant le titre de contrôleur général des finances, alors que la France est au bord de la banqueroute…mais la situation va continuer à se dégrader et un certain 11 juillet 1789Necker sera de nouveau renvoyé par le roi, provoquant la colère du tiers état…et surtout celle des bourgeois. lien

Histoire bien éloignée de celle colportée par Michelet inventant l’image de gueux renversant la royauté.

Si l’on en croit Bénédicte Kipler, (et d’autres historiens) : « aujourd’hui encore nous baignons dans cette fausse idée que le peuple opprimé se serait soulevé contre les privilèges », et affirmant : « la Révolution de 1789 fut une guerre civile entre nantis. Oubliez les discours officiels inventés par Michelet, qui ne sont qu’une fable destinée à donner de la légitimité à une réalité beaucoup moins glorieuse ».

Elle rappelle que les 20 années qui ont précédé la Révolution étaient les plus prospères que le Royaume eût jamais connues, mais le dynamisme politique ne profitait qu’à la bourgeoisie, même si comme l’affirme Henri Guillemin « sous Louis XVI, la moitié du budget des dépenses françaises passe au remboursement de la dette », (lien) ce qui n’est pas sans nous rappeler notre situation actuelle. lien

L’historien Jacques Godechot rappelle qu’à l’époque, un ouvrier gagnait 4€ par jour, et qu’un pain d’1 kg coûtait quasi 3€lien

Les paysans, la plus basse classe du pays, virent toutes leurs tentatives de révolte réprimées par l’armée, et c’est bien la bourgeoisie qui obtint la convocation des Etats Généraux, alors qu’elle avait acquis toujours plus de pouvoir, profité de nombreuses exemptions d’impôts, et elle a compris que le roi voulait reprendre la main.

Citons Louis XVI : « en forçant le pauvre à entretenir seul les routes, en l’obligeant à donner son temps et son travail sans salaire, on lui enlève l’unique ressource qu’il ait contre la misère et la faim pour le faire travailler au profit des riches  ». lien

C’est Voltaire qui avait écrit : « un pays bien organisé est celui où le petit nombre fait travailler le grand nombre, est nourri par lui, et le gouverne  ». lien

Pour arriver à sa fin, la bourgeoisie va donc armer le peuple, et l’inviter à prendre La Bastille, et plus tard, le 16 juillet, lorsque le roi aura reculé, elle va désarmer le peuple contre monnaie sonnante et trébuchante. lien (curseur à 14’)

Les armes seront rachetées 8 € (40 sous) et, à l’initiative de La Fayette, sera créé une « garde nationale », dès le 16 juilletlien

Le théoricien militaire Guibert va ensuite défendre l’idée que « quand tout le monde est armé, il ne peut y avoir de force publique », prenant le contrepied de ceux qui réclamaient l’armement quasi général et définitif du peuple. lien

Mais revenons aux révélations proposées par Michel Craplet dans son livre (l’ivresse de la Révolution/Grasset éditeur)…

En effet, on savait moins qu’il y avait aussi, derrière cette révolte populaire, une étrange histoire d’alcool.

Dans son ouvrage, l’auteur affirme que les actes violents qui se sont déroulés en 1789 ont été commis sous l’emprise de l’alcool.

banquet de girondins

Il faut savoir que sous l’ancien régime, seules les classes favorisées avaient accès à l’alcool, pour une simple question de moyen… il était extrêmement cher, c’était un produit de luxe.

Seule une infime partie de la population pouvait en consommer régulièrement, et offrir à boire était donc un cadeau particulièrement apprécié.

Or quelques heures avant la prise de La Bastille, les émeutiers avaient pu mettre la main sur un dépôt de boissons, et comme ils étaient peu accoutumés à l’alcool, l’ébriété les a gagnés et on connait la suite…

Pour être tout à fait exact, il faut rappeler que, quelques mois avant la prise de La Bastille, ce que le commissaire Gueullette, dénonçait, dans son rapport du 3 mai, « des hordes de brigands », qui avaient mis à sac de nombreux commerces.

Extrait : « une partie de la horde était ivre, elle ne s’en précipita pas moins dans les caves où les tonneaux furent défoncés… ».

Plus tard, dans la nuit du 12 au 13 juillet, des « brigands », forçaient, pillaient, incendiaient, la plupart des barrières où se percevaient les octrois.

mise à sac des barrières de Paris

Le 13 juillet, les boutiques des boulangers, et des marchands de vin furent soumis au pillage.

Extrait : « une bande enfonce, à coup de hache, la porte des Lazaristes (…) se précipite dans la cave, défonce les tonneaux et se soûle (…) la rue est pleine de débris et de brigands, qui tiennent à la main, les uns des comestibles, les autres un broc, forcent les passants à boire et versent à tout venant. Le vin coule en talus ». lien

Ajoutons que, d’après l’abbé Lefèvre un certain Desnot, garçon cuisinier de son état, armé d’un canif, sépara la tête du tronc de De Launey, gouverneur de La Bastille, et pour se donner du cœur, il avait avalé de l’eau de vie mêlée de poudre.

la tête de De Launay au bout d’une pique

On retrouve la déposition de ce révolutionnaire dans la « Revue Historique », sous la plume de Jules Joseph Guiffreylien

C’est donc la révolution française qui a permis la démocratisation du vin, le mettant enfin à la portée de toutes (ou presque) les bourses, ainsi que l’a déclaré Christophe Bourseiller dans sa rubrique « ce monde me rend fou », sur l’antenne de France Interlien

D’ailleurs, dès le 19 juin 1789, une estampe représentait le roi en train de boire au goulot, avec comme légende : « le vin, symbole de la nation ».

Mais qu’en est-il de nos jours des relations entre nos dirigeants et l’alcool ?…

En tout cas, il y a eu en France au moins un président, un certain Sarközi, qui préférait le coca au vin, « je n’ai jamais bu une goutte d’alcool », avait-il affirmé…lien) ce qui n’est pas le cas de Macron, qui ne cache pas son goût pour le jus de la treille « un repas sans jus de treille ? C’est un peu triste », avait-il déclaré un jour (lien), ce qui ne l’a pas empêché de stigmatiser les français, en leur reprochant d’être alcooliques et fumeurs, lors d’une visite dans le Pas de Calaislien

Pour en revenir à nos « preneurs de La Bastille », il n’est pas impensable d’imaginer que, sans l’alcool, qui rappelons-nous, n’était pas à la portée du « petit peuple », notre société n’aurait peut-être pas tenté de tourner la page, d’une société où les puissants continueraient d’écraser les plus faibles.

Comme dit mon vieil ami africain : « on n’interdit pas de boire à celui qui a creusé le puits ».

L’image qui illustre l’article vient de histoire-image.org

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

Articles anciens


Viewing all articles
Browse latest Browse all 139

Latest Images



Latest Images